Soirée d'hommage à Curro Malena

Raices y Alas - José de la Tomasa et Chiquetete - Malenisimo

La soirée du samedi était entièrement dédiée à Curro Malena, grand cantaor de Lebrija en proie depuis quelques années à des problèmes de santé qui l'empêchent désormais de chanter.

Hommage à Curro Malena à Lebrija

Flamenco Culture avait déjà évoqué la carrière de Curro Malena en 2009 dans un article relatant l'hommage qui lui avait été rendu à Paradas, rédigé à partir d'informations transmises par Paco Sanchez. Cette année c'est Lebrija, sa ville, qui a décidé de faire de Curro Malena son citoyen d'honneur, et de lui dédier la 46ème édition de la Caracola Lebrijana, comme annoncé l'an dernier lors de la précédente éditon.

Curro Malena arriva en avance, accompagné de sa femme et de ses fils, pour assister tout d'abord à un spectacle intitulé "Raices y Alas", organisé par la Escuela Municipal de Musica y Danza de Lebrija et mené par le guitariste lebrijano Benito Velasquez, qui s'était entouré pour l'occasion de la famille de Curro Malena, dont son fils Luis Malena, et Fernanda Carrasco que nous avions déjà écoutée l'an dernier à la Caracola. A tout juste 18 ans, cette jeune cantaora a gagné en confiance et en maturité et il est sûr que Lebrija pourra compter sur elle pour conserver l'héritage de son cante. Le spectacle permit également de profiter du cante de Curro Vargas, le vétéran du plateau, qui offrit des martinetes et soleares interprétés por derecho, et de découvrir le baile très particulier des danseuses Maria Angeles Muñoz et Pepi Valencia, tout en courbes et en souplesse. Les interventions au violon de la jerezana d'adoption Sophia Quarenghi furent remarquables, et la suissesse se risqua même à danser por buleria.

Les problèmes de son n'ayant pas épargné les artistes de la première partie, la tension était à son comble et durant le spectacle l'agitation était grandissante du côté de la régie. Puis plusieurs personnes se mirent à courir en direction du côté gauche de la scène. C'est à l'entracte que la Maire de Lebrija informa le public de ce qui s'était déroulé en coulisses. La Guardia Civil était venue arrêter l'auteur du sabotage organisé du son et des lumières du spectacle de la veille et du début de soirée du samedi 23 juillet. Il s'agissait d'une personne d'une entreprise de son de Trebujena n'ayant pas été choisie pour la Caracola, qui, en pilotant le système par le biais d'un téléphone portable, entendait ainsi se venger de l'organisation.

Nous apprendrons quelques semaines plus tard par Luis Chimenea qu'il s'agissait en réalité d'une entreprise de Jerez et que la personne responsable est actuellement en attente de jugement.

La seconde partie de la soirée fut orchestrée par deux chanteurs dans la force de l'âge, José de la Tomasa, accompagné par Antonio Carrion, et Chiquetete, accompagné par un magistral Paco Cepero. José de la Tomasa déclara en s'adressant à Curro Malena depuis la scène : "Ce que tu as donné au cante, personne ne pourra te l'enlever." avant d'interpréter des excellents cantes por solea, alegrias, siguiriyas et bulerias. L'élégant Chiquetete se lança lui dans des soleares de Triana, tientos-tangos, solea por buleria et bulerias, mais c'est son guitariste, Paco Cepero, qui fut particulièrement ovationné par le public pour sa maestria.

Beaucoup de larmes sur scène et dans le public lorsque Curro Malena monte sur scène soutenu par ses fils, et qui, après un discours élogieux de la Maire de Lebrija Maria José Fernandez, reçoit un prix en forme d'escargot.

Des photos de Curro Malena défilent sur l'écran en fond de scène, et retracent en images sa vie et sa carrière. Chiquetete et José de la Tomasa reviennent chacun chanter por tonas, une de leurs spécialités. C'est le prélude au spectacle "Malenisimo", qui réunit sur scène toute la famille Malena, les quatre fils de Curro, et puis la branche jerezana de la famille, celle d'Antonio Malena qui, en plus de ses deux fils Antonio et Diego, est venu accompagné de Mateo Solea et de Maria del Mar Moreno et son frère Santiago. Dans le public derrière moi des petites filles s'interrogent : "Mais c'est qui celui là ? il a beaucoup de cheveux !". Les jaleos dans le public - "Antonio !" - répondent à leur question. Mais dès les premiers sons qui sortent de la gorge d'Antonio Malena, les rires étouffés se dissipent, et chacun retient son souffle pour mieux écouter les cantes de fragua et le poème qu'il adresse directement à son cousin Curro Malena assis au premier rang. Il faut dire que le cante d'Antonio Malena est l'un des plus purs qui existe encore dans le panorama du cante flamenco actuel. Pour l'anectode, il y a quatre ans au Festival de Jerez, alors qu'il était formellement interdit de prendre des photographies à la Bodega Los Apostoles et que la photographe accréditée n'était pas présente cette semaine-là, je pris le risque de sortir mon appareil photo pour immortaliser quelques images du récital d'Antonio Malena, notamment son cante por siguiriya, des images bien tremblotantes, mais ce sont les seules que j'ai du festival. Alors il faut bien avouer que l'une des nombreuses raisons pour laquelle je me suis rendue à la Caracola cette année était pour l'écouter, et que je me suis trouvée un peu frustrée de le voir partager la scène avec autant de monde, et surtout, ne pas chanter por siguiriya, son cante de prédilection. En plus, des Antonio Malena, il n'y en a pas qu'un à Lebrija ; entre le guitariste, le fils du guitariste, le cantaor et le fils du cantaor, allez vous y retrouver... il y avait quatre Antonio Malena pour le prix d'un sur scène ce soir là ! Mais revenons au déroulement de la soirée. Après les cantes de fragua d'Antonio Malena, Mateo Solea chanta por solea, Luis Malena interpréta de poignantes siguiriyas, accompagné par le jeune Currito Malena fortement inspiré par Moraito. Maria del Mar Moreno se lança por solea accompagnée par le cante d'Antonio Malena et de David Carpio, un magnifique baile qu'on aurait aimé plus long. Bulerias de Jerez et Lebrija achevèrent une soirée riche en émotions.

En plus de cette grande soirée d'hommage et des événements qui ponctuèrent toute la semaine en hommage à Curro Malena, il faut souligner la très belle exposition dédiée au cantaor, où l'on pouvait écouter la discographie entière de l'artiste de 1969 à 1994, et retracer sa vie et sa carrière à travers des panneaux au design très bien conçu et à la mise en page très soignée, disposés de façon chronologique, des reportages video, des dessins et peintures, des prix reçus par l'artiste, des textes écrits sur les murs... On pouvait aussi acquérir sur le lieu de l'exposition un petit ouvrage consacré à Curro Malena, qui nous servira, en plus du contenu de l'exposition, à écrire la biographie de Curro Malena pour l'annuaire des artistes.


Flamenco Culture, le 23/07/2011

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