Rocío Márquez. El Niño. Promenade sur les terres de Marchena

Biennale de Séville 2014. 14 septembre. Teatro Central.

Rocio Marquez Biennale

photo © Antonio Acedo - Biennale de Séville

Rocío présentait au public « El Niño », un travail ambitieux, qui vient revendiquer le génie tant de fois questionné du maître Pepe Marchena. Au delà de tout ce qui va se proclamer au sujet de la mise en scène d'hier soir, je pense qu'il n'est que justice que de souligner l'incommensurable travail de recherche, de revitalisation, et de révision de l'héritage de Marchena. Rocío est curieuse, elle est aussi appliquée, et moi j'aime à me l'imaginer furetant dans les disques, fredonnant à côté du haut parleur. Et puis Rocío aime le chant, elle tombe amoureuse de ce qu'elle chante, et elle ne sait pas chanter si elle n'est pas éprise. De cet amour et de cette curiosité est né ce « Niño », cet enfant.

Le corps de ce qui nous a été proposé peut se diviser en actes et en scènes. Le chant débute comme un bourdon, comme une guitare, la guitare, elle, débute comme si elle avait des cordes vocales jouées par les doigts de Manuel Herrera. Granaina, la voix c'est lui qui la joue, la guitare c'est elle qui la dit. Raul Rodriguez les rejoint apportant les échos cubains du « Tres » à la guajira et la milonga. Rocío est passée maître dans l'art des fandangos depuis longtemps et nous en avons bien eu confirmation. La première révolution réside dans le travail de hauteur du chant, la recherche dans les notes les plus basses que la tessiture de cette fille de Huelva est capable de produire. Une mise en danger pour chercher Marchena dans sa propre voix.

Le second acte commence par l'apparition de Pepe Habichuela, les trois chants qu'ils ont égrené ensemble furent à mon avis le moment le plus intense de la soirée. La seguiriya commence avec une guitare superbe, quasi magique et se termine par le meilleur chant que je ne lui ai jamais entendu chanter depuis les années qu'elle se produit sur les planches. Comme si cela ne suffisait pas le dialogue marche dans les mêmes traces pour la Taranta. Le Romance à Cordoba a d'abord un air de soleá puis Rocío est Marchena et Marchena est Rocío et les ornements du romance se révèlent grandioses. Applaudissements et rideau.

La troisième partie arrive précédée de la distorsion et de la dysphonie de la voix d' El Niño de Elche. Rocío change de cap et prend la direction, en tant que soliste, de l'extraordinaire groupe de rock qu'elle nous présente au dessert. Il va se dire beaucoup de choses sur cette partie du spectacle, comme si Ramón Montoya n'avait jamais enregistré de disque avec un saxophone, ni que Sabicas n'avait jamais rencontré Joe Beck, comme si Paco de Lucía ne s'était jamais frotté à Chick Corea, ni que Camarón ou Morente n'avaient jamais électrifié leurs chants, comme si Rocío devait justifier le fait de vivre dans l'année et au siècle où elle vit. Colombianas, La Rosa, Los Esclavos Saeta, avec des paroles qui parlent et ne cherchent pas seulement à illustrer, avec une intensité et une pulsation si flamenca qu'il n'y a que sot qui le puisse nier et avec une âme rock si pertinente que ceux qui aiment l'électrique ont aussi été impressionnés. Superbes, Cantizano, Los Mellis, et Montiel, hors du commun et aussi Marciano El Niño de Elche. Et c'est ainsi qu'avec encore un bourdonnement dans les oreilles et les nerfs à vif, nous avons quitté la salle après l'ovation. Je ne vais pas parler de proposition à risque. Le risque serait de ne pas suivre ce que dicte le cœur, de ne pas croire en sa propre lumière. Rocío a décidé d'accoucher avec douceur et avec furie, dans la soie et le métal. Et le bébé est magnifique.


Javier Prieto - Traduction Dolores Triviño, le 14/09/2014

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EQUIPE ARTISTIQUECante :: Rocío Márquez
Toque :: Pepe Habichuela, Manuel Herrera
Guitarra eléctrica :: Raúl Cantizano
Batería y percusiones :: Antonio Montiel
Voces :: Niño de Elche, Los Mellis
Tres cubano :: Raúl Rodríguez

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