Toni Gomez

A mi amigo Paco + Interview

Nous avons été très touchés par les messages spontanés d'aficionados et de proches de Paco de Lucía qui ont tenu à lui rendre hommage en nous parlant de lui. Parmi eux, Toni Gomez, gérant de Casa Pepe, restaurant espagnol de la rue Mouffetard où Paco a toujours été très présent, sur les murs tapissés de photos de ses passages à Paris comme dans les assiettes. Suite à la disparition de son ami qui l'a énormément affecté, Toni a écrit le magnifique poème ci-dessous. Il nous a également accordé une interview dans laquelle il parle de son amitié pour le grand "bonhomme" qu'était Paco de Lucía.

A MI AMIGO PACO

LO LLEVABA YA DE CUNA
LO MEJORO CON SU CLASE
Y HA SIDO SIN DUDA NINGUNA
EL MEJORCITO EN SU ARTE

ESAS MANOS DE DIAMANTE
RÁPIDAS COMO LA LUZ
QUE LE DIERON ALMA AL CANTE
Y A TODO EL ARTE ANDALUZ

AMIGO DE SUS AMIGOS
POR"TO" EL MUNDO RESPETADO
POR CONOCIDOS Y EXTRAÑOS
POR PAYOS Y POR GITANOS

NACIDO FUE EN ALGECIRAS
LA CUNA DEL ARTE GRANDE
GRADES SON SUS FLAMENCOS
BUEN GUITARRISTA SU PADRE

ESA DAMA CAPRICHOSA
COMPLICADA Y MISTERIOSA
POR "TO" EL MUNDO CORTEJADA
DE PACO SE ENAMORO

GRAN IDILIO DE NIÑEZ
MUY FUERTE Y DURADERO
NO SE HAN SEPARADO NUNCA
Y LE SIGUIO SIENDO FIEL

POR EL PASO DE LA VIDA
ENCONTRO UNA VOZ DIVINA
DE UN GITANO DE LA ISLA
QUE LLAMABAN CAMARÓN

EL DE ALGECIRAS LE DIJO
SÍGUEME AMI LOS SENDEROS
"PA" CONOCER OTROS MUNDOS
SIN DEJAR LA TRADICIÓN

Y ES ASÍ QUE EL DE LA ISLA
QUE LLAMABAN CAMARÓN
FUE CONOCIDO EN EL MUNDO
HASTA QUE FUE A CANTARLE A DIOS

TU TAMBIEN TE HAS IDO PACO
EL DIA QUE DIOS TE LLAMO
PARA ACOMPAÑAR CON TU GUITARRA
A TU COMPADRE CAMARON

ENMUDECIO LA GUITARRA
UNA MAÑANA DE SOL
EN UNA PLAYA LEJANA
ENMUDECIO LA GUITARRA

Y ENMUDECIERON LAS OLAS
QUE BAÑABAN ESTA PLAYA
Y ENMUDECIERON LAS AVES
QUE TAN FELICES CANTABAN

EL FLAMENCO ENMUDECIO
ENMUDECIO EL CANTE Y EL BAILE
TANMBIEN SUS SERES QUERIDOS
ENMUDECIMOS TÚ Y YO

!!PACO!! NUNCA TE BORRARE DE MI MENTE
NI SE BORRARA ESA INTRAÑABLE AMISTAD
QUE DURANTE AÑOS Y AÑOS
ME DISTE COMO DA EL AGUA LA FUENTE

SEMBRASTES TANTA SEMILLA
AQUÍ EN ESTA VIEJA TIERRA
SEMILLA QUE ESTA BROTANDO
AQUÍ POR "TO"LAS LADERAS

CON EL CALOR DE TUS MANOS
CON TU SABER Y TU CIENCIA
CON TU COMPAS Y TU RITMO
Y TU GRAN INTELIGENCIA

AQUÍ TODO SER HUMANO
TENDRA QUE IR DONDE TU ESTAS
ESPERO QUE TENGAS TU GUITARRA
PARA QUE OTRA VEZ OIGAMOS

ESAS MANOS DE DIAMANTE
RÁPIDAS COMO LA LUZ
QUE LE DIERON ALMA AL CANTE
Y A TODO EL ARTE ANDALUZ

AMIGO DE TUS AMIGOS
MUCHO TE HEMOS RESPETADO
Y TAMBIÉN MUCHO HEMOS QUERIDO
TE LO DICE UN SIMPLE PAYO

TONI GOMEZ




INTERVIEW

Comment as-tu rencontré Paco de Lucía ?

J'ai fait le premier Festival Flamenco à Paris en 1983, mais ça faisait longtemps que je cherchais une formule pour faire venir les artistes ici, cela faisait au moins dix ans que je préparais ça. Quand je suis allé à Cadiz en 1973/74 on m'a dit "Tiens à Algeciras il y a Paco de Lucía et Camaron qui vont faire un concert au chiringuito". C'était le chiringuito El Miguelin ou quelque chose comme ça, je ne me souviens plus très bien car ce sont des souvenirs tellement lointains... Et moi je voulais les voir pour leur dire que j'allais faire un festival flamenco. Alors je suis allé là-bas, et en bon payo je suis arrivé à huit heures du soir, mais eux ils sont venus à deux heures du matin ! Alors un des serveurs du chiringuito a dit à Paco "Tiens, il y a un payo qui te cherche", alors il est venu me voir et m'a dit "C'est toi qui me cherche ?", donc je lui ai répondu "Oui, je t'attends depuis huit heures du soir." Alors je lui ai parlé de mon projet et il m'a dit "Non Toni, je ne pourrai pas y aller". Camaron à ce moment-là il ne voulait pas sortir de San Fernando, il ne voulait pas prendre l'avion, rien du tout. Donc voilà, c'est là qu'on s'est rencontrés, et depuis on ne s'est pas quittés. On s'est échangés les numéros et c'est là que j'ai rencontré toute la clique : Camaron, Tomatito, El Cojo... c'était des copains qui faisaient une fête. Alors voilà, ça m'a appris que les flamencos ils arrivent à 2h et ils finissent vers 7/8h du matin... car moi je suis asturien, je ne suis pas andalou.

Depuis j'ai admiré l'artiste, mais j'ai admiré encore plus le bonhomme. Moi c'était le bonhomme que j'aimais. Il m'a donné toute son amitié. Quand j'étais au Mexique - j'ai passé deux ans au Mexique pour monter des affaires là-bas et j'ai passé des moments très désagréables - , et quand je n'avais pas le moral je prenais l'avion pour Cancun et j'allais voir Paco à Playa del Carmen, et Paco il me remontait le moral et me requinquait. C'est arrivé plusieurs fois. Donc quand lui il venait à Paris c'était sa maison ici, il était chez lui. Moi aussi je suis allé dans toutes ses maisons, à Luchon, à Palma de Majorque... La première maison que j'ai vue c'était à Madrid, dans la calle Cambrils à Mirasierra, je me rappellerai toujours de sa femme Casilda à ce moment-là. J'allais à Alicante et je lui apportais toujours des bouteilles de vin et du fromage car il adorait ça. Il était huit heures du soir et ils m'ont dit "Non mais ça va pas, tu ne vas pas partir, reste-là", et je me rappellerai toujours que Casilda a pris sa fille et l'a enlevée de son lit pour que je puisse dormir.

Un jour j'étais chez lui à Palma de Mayorque, j'avais apporté du vin et du chocolat pour les enfants, et du fromage comme d'habitude. Et il me regarde et il me dit - tu sais il était très malin - "Toni, mais qu'est-ce que tu vas me demander en échange de tout ça ?" Tu sais Paco il était comme ça. Et je lui ai dit "Paco, je ne te demanderai rien dans la vie, une seule chose, ton amitié". Et c'est là qu'il m'a dit "Toni tu auras mon amitié dans cette vie et dans la vie prochaine". Voilà, ça c'était Paco. On avait aussi beaucoup de choses en commun. Il a eu une première femme et deux enfants, moi aussi, on était tous les deux supporters du Real Madrid - ça ça nous rapprochait beaucoup - , on aimait la pêche - quand j'allais à Cancun on sortait le bateau et on allait pêcher - , on faisait de la plongée, on aimait la vie. On parlait beaucoup de foot, on parlait de la vie, on parlait des femmes, mais pas beaucoup de musique, car en plus moi je ne suis pas musicien, je chante, je fais le mariole dans mon restaurant mais je ne suis pas musicien. Quand il sortait d'un concert il aimait parler d'autre chose que de la musique et du flamenco et tout ça. Si on parlait de temps en temps, on parlait par exemple de John Mac Laughlin, on parlait d'Al Di Meola, de Chick Corea, mais comme ça... parce que Chick Corea il a pris les musiciens de Paco, alors il disait "Ils doivent s'ennuyer sans moi". Ca c'était Paco. Je l'adorais. C'était un bonhomme qui tout en étant un dieu de la guitare se mettait à la hauteur de n'importe qui. Et là l'autre jour j'étais au téléphone avec sa petite femme Gabriela, on pleurait tous les deux. Il n'y a que deux hommes qui m'ont fait pleurer dans la vie c'est mon père et Paco. Parce que je suis un dur, mais bon, ça fait trop mal. Ca a été si soudain, c'est arrivé si vite... On avait pratiquement le même âge, il était de 47 et moi de 46.

Il y avait même une photo de Paco au fond des assiettes à Casa Pepe, non ?

Oui oui, il y avait l'assiette avec Paco. Mais plus maintenant car on me les piquait toutes. Il y avait Camaron et Paco. Mais comme on me piquait toutes les assiettes j'ai arrêté le massacre car ça coûtait cher quand-même. Je les faisais faire ici en France. Il faudrait que j'essaye de trouver quelqu'un qui me les fasse moins chères pour pouvoir continuer.

Combien de concerts de Paco as-tu vus ?

A Paris je les ai tous vus. J'ai été à Paris, à Munich, j'ai été au Grand Auditorium du Mexique, j'ai été à Madrid, à Bruxelles, en Hollande. J'ai été un peu partout, j'allais le voir dès qu'il s'approchait un peu de Paris. On s'appelait tous les 15 jours, on ne passait pas plus de quinze jours sans s'appeler. On était des amis, on n'était pas des connaissances, et celle qui est la mieux placée pour te le dire c'est sa femme Gabi. L'autre jour elle m'a dit une vérité "Tu sais Paco il avait un oeil clinique pour les copains. Il savait qui étaient ses copains. Et toi tu étais un des plus grands copains qu'il a eus". Parce que c'était son métier, il y avait toujours quelqu'un qui venait lui demander quelque chose, moi je ne lui demandais rien du tout, que son amitié, et il me l'a donnée.

Quelles étaient les qualités de Paco ?

Sa plus grande qualité était la modestie, l'humilité. Il se mettait au niveau des gens. Ses grande qualités aussi étaient sa simplicité, sa gentillesse, sa gentillesse.

Que gardes-tu comme souvenir marquant de lui ?

J'ai un souvenir un peu bizarre. On était à Playa del Carmen, dans son ancienne maison. Car sa première maison, il était parti en tournée, et lorsqu'il est revenu, il y avait un hotel devant. Du coup il s'est eloigné de quelques kilomètres et il a tout acheté, même la plage, pour refaire une autre maison, et il a dit "Comme ça on ne viendra pas me mettre un hotel devant". Alors on était là en train de manger un midi, avec sa femme, avec tout le monde, et il y a deux mecs qui rentrent - parce que là bas on laissait la porte ouverte, c'est pas Mexico City - avec un chapeau et une veste texanes, tu sais comme au Far West, avec des santiags et tout... alors j'ai dit à Paco qui était à côté de moi "Ils viennent faire la caisse ou quoi ceux-là ?". Et il me dit "Qui ?". Alors ils les voient et il se lève et eux disent "Paco !". Alors ils s'embrassent et parlent en anglais et tout ça, et je l'entends dire "Carlos". Et en fait c'était Carlos Santana, qui était venu le voir. Donc ils ont mangé avec nous et à un moment donné ils se sont éloignés et Paco m'a dit "Tu sais celui-là il n'est pas venu gratuitement, il est venu me demander quelque chose". Et dès qu'il est revenu il a commencé "Paco, tu as fait un disque avec John Mac Laughlin, tu as fait des disques avec Al Di Meola, tu as fait des disques avec Chick Corea... et avec moi tu n'as rien fait. Il faudrait qu'on fasse quelque chose ensemble". et Paco lui répond "Carlos, je t'adore comme personne et comme guitariste, mais on n'a pas le même feeling, on ne peut pas". Et l'autre il s'est presque mis à genoux pour le supplier de faire un disque avec lui, mais il a dit non. Ca c'est un souvenir que j'ai. Je ne connaissais pas Carlos Santana, il est très gentil. Et en partant, Carlos lui a dit "Je ne mourrai pas avant d'avoir fait un disque avec toi". Et c'est Paco qui est parti, c'est mon ami qui est parti.

A part ça on avait des amis en commun ici en France comme Renato, comme Katia qui a eu une longue amitié avec lui. Paco El Lobo était aussi très ami avec lui. Paco je l'avais fait passer dans le premier festival Flamenco que j'ai fait en 1983 à la Mutualité. Il y avait aussi Pepe Hanichela, Juan Habichuela, Manuela Carrasco, Juanito Villar, tous en même temps. J'ai eu l'honneur d'avoir fait le premier Festival Flamenco à Paris, avec Evelyne Douin.

Que lui dirais-tu s'il était encore là ?

Je t'aime. Te quiero. Te quiero Paco, y te querere siempre mi amigo.










Flamenco Culture, le 06/04/2014


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