Maria Luisa Sotoca

Programmer la Niña Pastori était une évidence

C'est en plein festival flamenco de Toulouse, entre le stage de cante de David Carpio et le concert de la Niña Pastori que nous avons souhaité nous entretenir avec Maria Luisa Sotoca, la directrice de ce festival hors-normes, qui se bat au quotidien pour le faire perdurer et offrir aux toulousains de grands moments de flamenco. Interview à lire ci-dessous.

Maria Luisa Sotoca Interview

Le Festival Flamenco de Toulouse, avec ses deux rendez-vous annuels, est devenu incontournable, pourtant il a connu il y a quelques années un passage à vide en raison du manque de subventions, aujourd'hui comment se porte le festival ?

Le festival n’a jamais eu de passage à vide, mais nous manquons cruellement de moyens financiers. Le festival est porté par une association, pas par une collectivité. Nous bénéficions essentiellement de l'appui de la Ville de Toulouse qui cette année va réduire celle-ci de 10%, comme pour tous les autres festivals de la Ville, et à un degré moindre du Conseil Régional Midi-Pyrénées et du Conseil Général de Haute-Garonne. Mais nous sommes loin des aides accordées à d'autres festivals du même genre en France, alors même que nous programmons les meilleurs artistes du genre. Cette faiblesse financière ne nous permet pas de développer le festival, d’étendre notre campagne de communication, ni d’embaucher du personnel compétent comme nous le souhaiterions. Moi-même, je ne vis pas de mon métier, l’association n’arrive pas à pérenniser mon poste à l’année. Diriger un festival est une merveilleuse aventure, mais qui parfois est semée d’embûches, de défis, où l’émotion, la passion et l’humain occupe une place importante ; et la force de ce bi-évènement est : son histoire, son cheminement, l’énergie déployée avec toujours cette volonté constante qui fait que cela vaut la peine de continuer. Je suis une personne optimiste, battante, je ne lâche rien, je crois au travail, à l’effort et la vérité.

Tu as fait le pari d'inviter cette année une artiste très populaire en Espagne, qui se produit rarement à l'étranger... Il s'agit de La Niña Pastori, chanteuse de Cadiz révélée par Camarón de la Isla. D'où t'es venue cette idée ? Quand et comment as-tu découvert la Niña ?

J’ai découvert Maria (Niña Pastori) un peu avant la sortie de son premier album « Entre dos puertos », mais avant ça je l’avais déjà vue chanter à la télévision sur Canal Andalucía, je me souviens qu’elle avait interprété unos tanguillos « El portugués », et puis comme un grand nombre d’entre nous avec son premier clip « Tú me camelas » que l’on voyait lors de « Los 40 principales » l’équivalent de notre Top 50. C’est une artiste que j’ai toujours écoutée, j’ai tous ses disques et je l’ai vue plusieurs fois en direct. Tu l’auras deviné je suis fan.

Programmer la Niña Pastori était donc une évidence pour moi, comme pour Estrella Morente l’an passé ou bien encore José Mercé en mars 2006, Agujetas en 2004, la Paquera et Miguel Poveda en 2003, etc...

La Niña Pastori est une artiste incontournable et je suis étonnée qu’elle n’ait jamais été programmée dans d’autres festivals du même genre en France.

Notre métier de programmateur n’est pas de proclamer ni de se répandre en disant : « Nous sommes le plus grand festival flamenco en dehors de l’Espagne ou le plus grand festival de flamenco en France », mais d’œuvrer pour une culture, un art, afin que le plus grand nombre puisse le découvrir, l’apprécier... Nous sommes les acteurs d’un patrimoine vivant – LE FLAMENCO – et notre rôle est de dévoiler tous les visages de cette musique, en se mettant à son service et en restant humble !

Quels sont les autres moments forts de la programmation cette année ?

La programmation est bâtie sur des coups de cœur mais aussi sur des rencontres artistiques et humaines, une qualité pour laquelle j'accorde une grande importance.

Tous les artistes sont des coups de cœur. Donc je ne peux pas dire ce moment est plus fort que cet autre. Si on me demandait quel concert aller voir, je répondrais : tous ! Vous en citer un seul ! Impossible ! Chacun, à sa manière, apporte sa pierre au vocabulaire flamenco.

Et puis il y a tellement d’artistes merveilleux en Espagne qui méritent d’être programmés dans notre pays, que j’ai à cœur chaque année de les mettre en avant dans mon festival !

Notre but est que tous les festivaliers rentrent chez eux émerveillés, en se disant : ce soir c'était vraiment magique... Le programme étant varié, on espère en effet que tout le monde pourra y trouver son compte.

Peux-tu nous donner un avant-goût de l'édition automnale ?

Trop tôt pour en parler, nous sommes pleine période de festival, il y a déjà pas mal à faire. Et puis il n’y aurait plus l’effet de surprise. Ce que je peux dire qu’elle sera dédiée à la danse et qu’une fois de plus il y en aura pour tous les goûts.

Comme d'autres festivals, vous avez noué une relation particulière avec Rocio Molina... vous la suivez d'ailleurs là où elle se produit en France, comme ce fut le cas aux Suds à Arles l'an dernier...

Rocio je l’ai découverte en Espagne il y a de nombreuses années et je l’ai programmée la première fois en 2008 dans une salle de 400 places, prise d’assaut en quelques jours. J’ai vite senti qu’elle allait marquer la danse flamenca, qu’il y aurait un avant et un après Rocio Molina et je l’ai suivie de près, comme je le fais avec nombre d’artistes.

Lorsque je l’ai reprogrammée en 2013 c’était à la Halle aux Grains, la plus belle salle de spectacle toulousaine, qui accueille plus de 1 200 spectateurs, où Rocio a présenté Danzaora puis plus récemment en Octobre 2014 pour la session d’automne, à Odyssud, une belle salle de l’agglomération toulousaine, avec 2 500 spectateurs sur 3 jours pour Bosque Ardora.Ce travail de découverte et de suivi des artistes, c’est pour moi la base du métier de programmateur.


Flamenco Culture, le 29/03/2015


© Fabien Ferrer

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